DÉCLARATION PANAMAZONIENNE DE BELÉM EN FRANÇAIS

Fospa Colombia
Fospa Colombia agosto 4, 2022
Updated 2023/02/20 at 6:37 PM

X FORUM SOCIAL PANAMAZONIEN -FOSPA-. 28, 29, 30 et 31 Juillet – Belém do Pará, Brésil

De La Notre Panamazonie

  1. En se prennant dans les bras, en face du fleuve Guamá, dans la grande réunion où la diversité qui habite la Panamazonie, les indigènes, les noirs, les quilombolas, les paysans, les riverains, les citadins, les groupes de sexe et d’âge des 9 pays du bassin amazonien : Brésil, Bolivie, Pérou, Équateur, Colombie, Venezuela, Guyana, Suriname et Guyane française, nous avons réaffirmé le voyage que nous avons commencé il y a 20 ans, lors de la première réunion du Forum social Panamazonien, avec l’espoir d’un ” autre monde possible “. Nous ne pouvions pas imaginer que le monde serait pire que celui que nous connaissions alors.
  2. Aujourd’hui, l’Amazonie vit son pire moment, dévastée par des gouvernements pour qui la nature est une marchandise, et les droits des populations n’ont aucune validité. À ce jour, aucun gouvernement n’a garanti le plein exercice des droits des peuples amazoniens à défendre La Mère Nature. Dans cette situation, il faut appeler les mouvements sociaux à faire appel à la créativité, à apprendre de leurs erreurs et à poursuivre la lutte.
  3. Ce que nous percevions hier comme des menaces sont aujourd’hui des réalités derivés d’un système d’oppression multiple : patriarcal, raciste, capitaliste et colonial, qui a fait du grand bassin amazonien sa dernière frontière d’expansion, mettant en danger toutes les formes de vie et ceux qui les défendent.
    Sous la fausse prémisse du développement, l’extractivisme – caoutchouc, bois, pétrole, agroexportation, grands barrages hydroélectriques et méga-mines – a progressé sur les différents territoires amazoniens, et a été inséré dans les modèles coloniaux de conservation, y compris les propositions de marchandisation d’éléments du biome. Sous ce prétexte, les territoires sont militarisés, les biens communs sont pillés pour générer des profits, l’inégalité sociale et la violence structurelle et factuelle s’aggravent pour la pluralité de la population de la région Panamazonienne, qui voit aujourd’hui comment toute vie est détruite et empoisonnée.
  4. La crise climatique actuelle et sa menace civilisationnelle, conséquence du modèle de développement, a poussé l’écosystème amazonien au point de non-retour, menaçant la perte irréparable de la plus importante forêt tropicale de la planète, qui comprend plus de 50 millions de personnes et une bonne partie de la biodiversité planétaire. Si nous n’arrêtons pas cette tendance maintenant, demain sera la
    mort de la région de la Panamazonie, qui est vitale pour freiner le réchauffement climatique et garantir la vie sur la planète. Le temps presse.
  5. Les femmes indigènes, paysannes, noires, quilombolas, populaires et urbaines, les femmes trans et lesbiennes, force de résistance pour la défense de la vie, continuent à être violées par l’action et l’omission des États, les fondamentalismes politiques et religieux, le patriarcat, le racisme, la militarisation, la corruption enracinée et installée dans notre société, le capitalisme qui, par le biais des sociétés transnationales et des forces économiques, exproprie des territoires en toute impunité, la violation des corps, le trafic, le contrôle des personnes et des modes de vie, la violence sexuelle, le féminicide, la violation des droits sexuels et reproductifs, les attaques contre la diversité, la dissidence sexuelle et de genre.
  6. L’ensemble du bassin connaît une situation de guerre non conventionnelle, avec la participation de forces militaires étatiques, de paramilitaires, de milices et de trafiquants de drogue agissant en lien avec de grands intérêts économiques. À cela s’ajoutent les mesures coercitives unilatérales, les blocus financiers et économiques et les menaces militaires imposées par les grandes puissances mondiales et les groupes fondamentalistes.
  7. Nous réitérons que, bien que les dangers aient augmenté, les luttes et la résistance ont acquis une force sans précédent, basée sur l’expérience des spiritualités de nos peuples, qui doivent continuer à grandir comme des enfants de la Mère Amazonie. En ce sens, les peuples de Panamazonie s’organisent, se rassemblent, luttent pour leurs territoires et leurs cultures, pour rendre un avenir possible. C’est ainsi que progressent les luttes antiracistes, anti patriarcales et anticoloniales. Maintenir l’optimisme qui nous a caractérisés, mais avec un réalisme qui nous oblige à exiger ce qui est (im)possible. Qu’un autre monde est possible.

NOUS EXPRIMONS NOTRE PROPOSITION POLITIQUE

  1. Nous exigeons un modèle politique, social et économique qui donne la priorité à l’intégrité de notre maison commune, qui reconnaisse et respecte les territoires et le plein exercice des droits des peuples amazoniens et des droits de la nature.
  2. Récupérer, valoriser et protéger les connaissances des hommes et des femmes et les formes ancestrales d’organisation de nos peuples pour le soin et la gestion de l’eau, la protection de leurs territoires, qui incluent nos rivières, propres et exempts de mégaprojets. Nous réaffirmons le soutien du Forum Social Panamazonien à la proposition de Déclaration Universelle des Droits des Fleuves, qui complète les avancées juridiques dans divers pays dans la reconnaissance des droits inhérents aux fleuves, dans le cadre des droits de la Nature, qui convergent avec les savoirs ancestraux des peuples indigènes amazoniens, qui savent que les fleuves sont des êtres vivants, dont la santé et la liberté sont indissociables de celles des communautés humaines, biodiversifiées, climatiques et spirituelles, aujourd’hui menacées par des projets prédateurs et polluants, énergétiques, miniers , pétroliers et de transport, entre autres, de nature suicidaire et qui doivent être arrêtés et éradiqués.
  3. Nos alternatives pour une terre sans mal sont la production agricole et forestière diversifiée en harmonie avec la nature, l’agroforesterie, l’agroécologie, les projets de production et de consommation locales, la gestion communautaire des biens communs, des forêts et du territoire, l’utilisation de semences indigènes, l’écotourisme communautaire, les projets d’énergie alternative, la gestion intégrée et participative des bassins versants et des biorégions, et de nombreuses autres initiatives axées sur la vie et non sur la marchandisation de la nature.
  4. Nous proposons d’articuler les efforts et les luttes en défense des territoires de la Panamazonie et de la vie, ainsi qu’avec d’autres mouvements sociaux dans d’autres régions du monde contre le modèle économique néolibéral patriarcal, colonial, raciste qui viole tous nos droits individuels et collectifs, contre la corruption et contre les fondamentalismes politiques, économiques, socioculturels et religieux.
  5. Nous demandons aux gouvernements des pays Panamazoniens de mettre en pratique leurs discours contre la crise climatique et les droits de la Terre Mère, avec des mesures réelles contre la déforestation, la dégradation et l’augmentation des émissions, et non avec le maquillage des soidisant économies vertes. Nous exigeons qu’ils respectent et renforcent leurs engagements pris au niveau international.
  6. Promouvoir l’exercice de l’autonomie et de l’autodétermination des peuples indigènes, noirs, quilombolas, paysans et côtiers, permettant l’exercice d’une gestion publique basée sur leur propre vision, normes et procédures ; ceci requiert, entre autres, la mise en œuvre de mécanismes appropriés aux nouvelles formes de planification qui garantissent leurs modes de vie, dans le respect de leurs cosmovisions. Sans autogestion territoriale des peuples, il n’y a pas d’avenir pour l’Amazonie, ni pour le monde. Nous exigeons que les États se conforment pleinement aux verdicts de la Cour interaméricaine des droits de l’homme. En outre, le verdict de 2015 concernant Kalina et Lokono prononcé par l’OEA doit être appliqué par le gouvernement du Suriname. Enfin, nous exigeons l’autodétermination de la Guyane occupée par la France. Notre bassin amazonien ne sera pas complet tant que nous n’aurons pas obtenu sa décolonisation.
  7. Nous rejetons les politiques publiques extractivistes des gouvernements qui menacent la vie et la nature. Nous exigeons le respect de la convention 169 de l’OIT et la signature, la ratification, le respect et la mise en œuvre du droit à la consultation et au consentement préalable, libre et éclairé, qui inclut le droit de veto pour objection de conscience culturelle dans le cadre de l’autodétermination des peuples, et nous exigeons le maintien des hydrocarbures dans le sous-sol et une Amazonie libre d’exploitation minière.
  8. Exiger des gouvernements la pleine propriété et la garantie légale des territoires des peuples et des communautés, y compris le sous-sol, afin qu’ils disposent d’une protection permanente contre l’extraction de minéraux et d’hydrocarbures, qu’ils ne violent pas notre mère la terre, qu’ils prennent soin des esprits de la forêt et qu’ils assurent le Bien Vivre des êtres humains et de toutes les formes de vie.
  9. Condamner et rejeter la mise en œuvre de mesures coercitives, telles que toute forme de blocus politique, économique, financier et diplomatique contre tout pays de notre bassin amazonien, car il s’agit d’actions politiques criminelles qui affectent nos peuples.
  10. Assumer la défense radicale des droits des peuples de Panamazonie à l’éducation, la communication et la santé dans une perspective populaire, interculturelle, communautaire, critique et décoloniale.
  11. Les femmes de la Panamazonie sont engagées dans la réinvention et la construction collective de la démocratie que nous voulons. Nous appelons tous les peuples et organisations de l’Amazonie à inclure dans leurs agendas des actions qui corrigent les inégalités et les relations de pouvoir qui persistent et affectent nos vies, nos corps et nos territoires. Cette articulation doit être orientée vers le plaidoyer dans les espaces internationaux qui peuvent faire des recommandations aux États concernant l’urgence d’inclure des actions concrètes qui répondent à la transformation de la violence qui affecte les femmes amazoniennes et andines.
  12. Nous soutenons fermement les lettres des pré-FOSPA tenues dans chaque pays et les conclusions des Maisons de la Connaissance et des Sens, Maison de la Terre Mère, Maison de la Résistance des Femmes, Maison des Biens de la Nature, Maison des Peuples et Droits Indigènes et Maison des Territoires et de l’Auto gouvernance.
  13. Nous réaffirmons l’importance des initiatives d’action comme instruments de mobilisation pour atteindre les objectifs du processus FOSPA. Il n’est possible de générer des processus de transformation que si nos organisations en Panamazonie se joignent et s’articulent à ces actions.
  14. Nous soutenons le Tribunal international des droits de la nature, qui est arrivé à Belém dans une caravane après avoir traversé les territoires de Xingú et de Carajás. Nous souscrivons à sa déclaration : l’Amazonie est une entité vivante et menacée, soumise à des droits, à laquelle les entreprises, en complicité avec les États, ont déclaré la guerre, et les communautés indigènes, les colonies, les campements, les peuples indigènes locaux, traditionnels, paysans, quilombolas, riverains, ruraux et urbains, sont ceux qui sont en première ligne de cette confrontation, et leurs droits doivent être garantis. Dans le même temps, il convient de souligner les multiples initiatives de restauration intégrale, de moratoire extractiviste et de transition écologique promues par les communautés.
  15. Nous sommes la Nature et il y a plus de 37 pays qui reconnaissent les droits de la Nature à différents niveaux, y compris les droits de l’Amazonie. Au Brésil, quatre municipalités ont approuvé cette reconnaissance et quatre autres États en débattent, dont Belém, qui accueille le dixième Forum social Panamazonien (FOSPA). Dans ce sens, nous célébrons la création et le lancement du Front parlementaire mondial pour les droits de la nature, composé d’autorités autochtones et non autochtones du monde entier, qui cherche à étendre ce changement de paradigme plus rapidement et directement avec des politiques publiques qui reconnaissent la nature comme sujet de droits.

ET NOUS PROPOSONS LES ACTIONS SUIVANTES

  1. Déclarer l’état d’urgence climatique dans la région Panamazonienne et son respect permanent afin de permettre sa restauration active et la protection de sa biodiversité, en coordination avec les peuples amazoniens et d’avancer vers un nouveau paradigme de relation avec la nature.
    Le progrès vers un changement de paradigme sera notre meilleur héritage. Cela nécessitera le transfert de ressources importantes pour la restauration et l’entretien du bassin et la transformation du commerce international des produits de base de l’économie régionale, en favorisant la production et la commercialisation de biens compatibles avec l’écosystème amazonien sur le plan climatique, en limitant l’exportation de viande, de soja, de bois, de minéraux, d’hydrocarbures et de produits dérivés vers les marchés d’Europe, d’Asie, d’Amérique du Nord et autres.
  2. Soutenir le verdict du IIIème Tribunal Éthique pour la défense des corps et des territoires des femmes amazoniennes et andines, qui continuera à se réunir et à enquêter sur les cas qui y sont présentés. Nous continuerons à renforcer ce scénario de visibilité et de plaidoyer international qui nous a permis de nous concentrer sur les multiples impacts du système de discrimination dans la vie, le corps et le territoire des femmes, la violence, dans ses diverses manifestations, apparaissant comme le résultat de l’actuel pouvoir capitaliste patriarcal, colonial et raciste.
  3. Promouvoir l’éducation, la recherche et la communication comme piliers des processus de transformation dans les territoires de la région Panamazonienne, en promouvant leurs propres scénarios qui qualifient les luttes et les actions d’incidence avec les États, à travers l’élaboration de cartographies et de systématisations d’expériences transformatrices, populaires, interculturelles et communautaires avec un accent panamazonien, en encourageant l’inter-apprentissage, la promotion d’études et la recherche-action participative et transformatrice.
  4. Assurer l’objectif commun de zéro déforestation réelle et la promotion du traité de non-prolifération des combustibles fossiles, en laissant le pétrole dans le sol et en allant vers une transition énergétique populaire.
  5. Promouvoir la reconnaissance des droits inhérents des fleuves, dans le cadre des droits de Mère Nature, à éradiquer leurs déprédations et leur pollution et à couler librement, proprement, en harmonie spirituelle et biodiversifiée avec les peuples.
  6. Renforcer l’initiative d’action pour la défense des corps et des territoires des femmes amazoniennes et andines, comme colonne vertébrale de nos efforts collectifs pour répondre à l’offensive du patriarcat, du fondamentalisme politique et religieux, du capitalisme et du racisme, qui affecte le plus les femmes indigènes, noires et paysannes qui vivent dans le bassin amazonien.
  7. À partir de là, nous continuerons à rendre ces réalités visibles et à plaider, par le biais de campagnes et de mobilisations, en faveur de la défense de la vie des femmes amazoniennes et andines et du rejet de toutes les formes de discrimination et de violence contre leurs corps et leurs territoires.
    Soutenir la tenue d’une réunion amazonienne sur l’autonomie et l’auto-gouvernement ; soutenir la création de gardes indigènes, quilombolas et paysans et d’autres communautés traditionnelles pour l’autoprotection des territoires, rendant viable leur durabilité effective.
  8. Promouvoir l’articulation pour réaliser des campagnes permanentes, locales et mondiales:
    1. Aider à freiner l’exportation de produits qui favorisent la pollution et la déforestation de l’Amazonie.
    2. La lutte contre la faim, la promotion de la sécurité alimentaire en Panamazonie.
    3. Veiller à la vie et à la protection des défenseurs de la nature, en dénonçant et en affrontant, dans tous les pays de la Panamazonie, leur persécution, leur criminalisation, leur poursuite, leurs menaces, leurs disparitions et leurs assassinats par les nouveaux trafiquants et prédateurs des forêts, les mafias et les tueurs à gages qui affectent la vie des peuples et des autres formes de vie. La solidarité entre nos peuples doit être effective et affective avec eux ; notre plaidoyer doit être soutenu pour que les États garantissent leur vie en ratifiant et en respectant l’accord d’Escazú, en condamnant les auteurs et en honorant les martyrs.
    4. Assurer l’autodétermination de la Guyane colonisée par les Français
  9. Promouvoir le commerce de biens produits dans des systèmes compatibles et en harmonie avec l’Amazonie. Nos alternatives incluent l’agroforesterie écologique, l’agriculture familiale paysanne et la gestion communautaire de la forêt, pour le remplacement de l’économie de destruction de l’Amazonie par une économie des forêts.
  10. Faire pression pour que les Assemblées de la Terre s’attaquent à la mainmise des entreprises et à l’incapacité des conférences des Nations unies sur le climat, la biodiversité et les systèmes alimentaires à apporter des réponses efficaces à la crise climatique et écologique.
  11. Créer de nouvelles formes d’intégration régionale, basées sur la consolidation d’un bloc de pays amazoniens qui permettra de progresser vers le post-extractivisme en Amazonie.
  12. Exiger l’engagement des Etats dans la construction de mécanismes régionaux qui garantissent le respect du libre transit des habitants du bassin de l’Amazone dans tous les pays qui le composent.
  13. Nous soutenons la résolution des juges du Tribunal international des droits de la nature qui ont proposé de créer un Tribunal des droits de la nature au Canada, d’où provient le capital du projet Belo Sun qui doit être développé dans le bassin du fleuve Xingu, afin de rendre visible et de dénoncer à la source l’utilisation de ses ressources pour la destruction de l’Amazonie.
  14. Nous appelons la diversité des organisations travaillant pour la défense et le soin intégral de l’Amazonie à continuer à renforcer leurs capacités de transformation dans les processus d’articulation autour des initiatives d’action du FOSPA.
    La FOSPA continuera à tisser des alliances avec différents mouvements sociaux dans le monde afin d’étendre les actions visant à surmonter la crise humanitaire, environnementale et climatique, et d’influencer les organismes gouvernementaux internationaux pour qu’ils adoptent des politiques conformes à cet objectif global.

Le 31 juillet 2022, Université Fédérale du Pará à Belém do Pará, Brésil,

capitale de la résistance, tranchée des peuples.

“Tisser l’espoir dans la zone de Panamazonie”

Téléchargez ici le PDF de la Déclaration pan-amazonienne de Belém en langue française

Declaration-Francais1

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